Berceuses c’est un projet musical collectif. Si je devais le décrire en 3 mot clé, je choisirais « puissant, réconfortant, intime ». Huit voix qui s’entremêlent sur une flopée d’instruments qui passent de main en main. C’est huit amixes réunies dans un projet musical envoûtant et qui ont fait le choix de s’organiser ensemble de manière horizontale.
Ni front-leaders ni maîtresses.
L’union fait la force et la douceur
Aurélie Emery
Au printemps 2024, je les ai rencontré.es pour une discussion enregistrée qui aurait dû être diffusée sous la forme d’une interview. Une erreur technique et un fichier audio endommagé plus tard, voici à la place une lettre d’hommage à une voix.
Berceuses, c’était parti pour être un projet one-shot d’un seul concert. Une quinzaine de concerts plus tard et avec une pochette de vinyl sous le bras, on peut dire que l’expérience est plutôt réussie.
j’aimerais qu’on puisse se voir en vrai plus souvent!
Delia Meshlir
Je fais moi-même partie d’un projet collectif, même si plus informel_: le Projet-Evasions, un réseau d’amitiés anarchistes. Forcément, je ne pouvais qu’être touchxé intimement par un projet comme Berceuses, dans lequel huit amixes se retrouvent embarquées dans une aventure créative commune, tout en refusant qu’une personne prennent le lead sur les autres. Ça peut paraître anodin, mais dans une société qui banalise les rapports d’autorités et nous y habitue depuis la plus petite enfance, un tel choix a éveillé ma curiosité.
J’aime sentir que les responsabilités sont réparties et circulent, j’aime sentir le soutien des autres, j’aime m’impliquer dans ce projet sans tout porter. J’aime observer les dynamiques de groupe et nos différentes manières de fonctionner. »
elie Zoé
Quand j’ai échangé avec Berceuses sur ce sujet, ce qui m’a frappé, c’est le peu de place donnée à des explications logistiques sur le pourquoi et le comment ne pas s’organiser pas de manière hiérarchique. Tout au long de la discussion, il y a bien quelques outils, techniques d’autogestion et aspects pratiques utilisés qui ont été cités – par exemple le fait de faire tourner certaines tâches, la frustration de ne pas arriver à se voir assez en réel et le constat que tout le monde arrive dans le projet avec un niveau d’expérience assez similaire ce qui favorise l’horizontalité entre les personnes impliquées.
Faire de la musique ensemble c’est partager de l’intimité »
Gael Kyriakidis
Mais ce qui est le plus mis en avant c’est bien le lien interhumain : la capacité à l’empathie, à se responsabiliser, à reconnaître ses limites et celles des autres, l’envie que tout le monde se sente bien et puisse s’épanouir. De l’extérieur il me semble que ce «prendre soin» de soi et des autres est ce qui assure le plus fortement la manière non-autoritaire de s’organiser autant dans la prise de décision que lors de gestion de conflits ou de moment de stress.
J’ai eu envie d’appeler mes copaines pour faire un truc ensemble
Laure Betris
Si je devais décrire cette dynamique collective en trois mots je choisirais « bienveillance, collaboration, confiance »
Sur scène, ce lien interhumain est palpable. La complicité dégagée m’a touchée de plein fouet. Une disposition en demi-cercle, mille instruments différents et huit voix qui s’entremêlent. Quand une personne se place au centre du demi-cercle, devant les autres, elle ne fait pas de l’ombre à celles restées en arrière, ce sont les autres qui la font briller. Le temps d’une chanson. Puis les places tournent, les instruments s’échangent. C’est fluide et organique. La puissance que peut engendrer le fait de se mettre en commun avec complicité se fait ressentir.
On a un lien de confiance, ça aide beaucoup
Melissa Kassab
Il y a un autre aspect intéressant dans Berceuses : le fait qu’il s’agisse d’un projet sans hommes cis. Pas par principe mais de fait. Là aussi, l’expérience semble inspirante et stimulante. Pour les huit personnes, c’est la première fois qu’iels expérimentent une telle dynamique et personne n’en sort indemne même si cet essai les touche différemment. C’est une expérience qui ouvre des portes, élargit la vision, questionne les dynamiques de pouvoir que le patriarcat impose entre les genres et pousse à se concentrer sur l’individualité humaine plutôt que sur le genre d’une personne. Un bon moyen de créer des liens de solidarité et d’adelphité dans un monde musical qui pousse plutôt à la concurrence entre musiciennes.
Juste une bande d’êtres humains dans leurs singularités qui ont pour liens la musique, le partage et Laure, et avec qui la vulnérabilité n’est pas un problème.
Perrine Berger
À mes yeux, un projet devient émancipateur lorsqu’il ouvre la voie à un horizon plus étincelant que le passé, qu’il stimule la réflexion, la remise en question et pousse à la créativité. Tous ces points me semblent contenus dans le projet Berceuses. De ce constat est née en moi l’envie de lui rendre hommage, en réponse à l’inspiration qu’il me procure.
la maîtresse du temps dans ce groupe, c’est moi
Sara Oswald
Parce qu’à notre époque, entre montée du fascisme, crise climatique et génocide en cours… je ressens un grand besoin de berceuses.
Illustration par @em.manif